Situation de l’évolution du village de Yerres
Connu depuis le Moyen-Âge, le village d’Yerres, bien qu’à vocation agricole, sut toujours attirer de riches propriétaires, souvent proches du pouvoir royal. Cela explique la présence d’un patrimoine important composé de châteaux et de monastères, encore présents ou à l’état de vestiges. La proximité de la capitale détermina un engouement particulier des aristocrates, puis de la grande bourgeoisie pour la vallée de l’Yerres appréciée comme un véritable site touristique. En effet, aux abords de la rivière se constituent de nombreux parcs paysagers, ces jardins d’agrément au style « à l’anglaise », parsemés de fabriques d’ornementation.
Patrimoine et histoire de la Propriété Caillebotte
La Propriété Caillebotte fut aménagée vers 1830 (portant le parc à une surface de plus de 11 hectares) par Pierre Frédéric Borrel, le chef de cuisine du très célèbre restaurant Au Rocher de Cancale, la table la plus prestigieuse de Paris.
Rien n’était trop beau pour ce personnage connu de Balzac et digne de ses romans : Borrel avait la fierté de faire visiter ce que la chronique du temps qualifiait de « chef d’œuvre d’architecture ». On y reconnaît aujourd’hui l’essentiel des « fabriques » d’ornementation construites par le propriétaire : le Casin italien et sa belle colonnade palladienne, l’Exèdre et ses statues antiques, le kiosque élégant, au style oriental, qui surmonte la glacière, la chaumière, l’Orangerie néo-classique dans la manière des grands architectes qui décorèrent beaucoup des monuments parisiens, et les bâtiments à usage agricole constituant la Ferme Ornée (écuries, vacherie, laiterie, granges, volières, basse-cour, etc.).
Borrel publie en 1825 son « Nouveau dictionnaire de cuisine, d’office et de pâtisserie ».
Un ancien guide de ce temps vante en des termes flatteurs et ironiques la propriété yerroise de Borrel : « Les gastronomes à voiture, qui fréquentent le Rocher de Cancale, peuvent aller visiter la demeure enchantée du successeur de Balaine : ce chef d’œuvre d’architecture, selon le désir du propriétaire, efface les maisons les plus élégantes de tous ses voisins ; quelques-uns sont pairs de France, banquiers, etc. Une bibliothèque de 6000 volumes, dont cependant nous ne garantissons pas le choix, une glace de 8000 francs, dans un boudoir, des meubles d’un prix infini, et du goût le plus nouveau, prouveront aux curieux jusqu’où peut aller la petite gloriole d’un bon cuisinier, et combien il a dû enfler la carte de son restaurant pour fournir à de semblables dépenses. M. Borrel vraiment, est le Rothschild de la Gastronomie. (…) »
C’est entre 1824 et 1843 que Pierre Frédéric Borrel exploite à Yerres plus de 50 hectares situés dans la Prairie qui prolonge sa propriété jusqu’à Montgeron. Borrel a 55 ans en 1843. La faillite du Rocher de Cancale est très commentée dans le tout-Paris de l’époque. Le destin du grand restaurateur demeure encore inconnu.
Les propriétaires
- Vers 1600 : Nicolas Budé, héritier des seigneurs d’Yerres constitue le fief de Narelles, dont une partie deviendra la propriété Caillebotte
- À partir de la Révolution française, morcellement des grands domaines
- 1824 à 1843 Pierre Frédéric Borrel aménage le domaine de près de 12 hectares
- 1843 à 1860 Madame Biennais, veuve du célèbre orfèvre et tabletier de l’Empire, y réside ; ses héritiers vendent l’ensemble à Martial Caillebotte, père du peintre.
La famille Caillebotte, de riches parisiens à la campagne
M. Martial Caillebotte fait du domaine yerrois l’une de leurs résidences d’été, loin des grands travaux du Baron Haussmann transformant Paris : dès 1860, il fait construire de nouvelles fabriques (chapelle romano-gothique, chalet suisse, volière en rotonde), agrandit le jardin potager, construit au bord de l’eau un petit lavoir privé et un très bel embarcadère couvert en tuiles, il embellit le parc de corbeilles et d’allées fleuries, le tout très bien entretenu par cinq jardiniers.
1879 : après la mort de leur père en 1874, de leur mère en 1878, Alfred, Gustave et Martial Caillebotte vendent la propriété yerroise à des parisiens M et Mme Dubois.
- 1963 : Madame Dubois fille vend à M. Paul Chaslin, directeur de la société GEEP qui construit des bâtiments scolaires. Celui-ci entretient le parc et procède à une extension des bâtiments de la Ferme Ornée, qui abritent aujourd’hui le Centre d’Art et d’Expositions.
- 1971 : suite à un règlement judiciaire de la Société GEEP Industries, et dans le cadre d’un projet immobilier, la commune de Yerres fait l’acquisition, au franc symbolique, en 1973 de l’ensemble du domaine.
Elle fait classer la plus grande partie en 1975, puis en 1993, les principaux bâtiments et fabriques sont inscrits sur l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques. - Depuis 1995, la commune de Yerres s’emploie à réhabiliter ce patrimoine exceptionnel.
- 2012 : La Propriété est labellisée « Maison des Illustres » par le ministère de la Culture.
Les fabriques d’ornementation (Casin, Orangerie, Kiosque et Glacière), témoins de l’aménagement du domaine conçu alors comme un jardin à l’anglaise, ont été progressivement restaurées.
Le parc, pour sa part, a bénéficié du talent du paysagiste Louis Benech, qui l’a replanté et a restitué les pièces d’eau.
Le potager, entretenu avec passion par une association yerroise, a été agrandi en 2011, mais ne représente qu'un tiers de sa surface d’origine. Le peintre aimait y cultiver fleurs et fruits.
Gustave Caillebotte est connu pour avoir été un grand mécène. Aussi la ville a souhaité que sa propriété accueille un Centre d’Art et d’Expositions ouvert aux artistes contemporains.